n°12 - 🚥 A 69 Castres-Toulouse : deux voies s'opposent
Bonjour et bienvenue,
Cela fait désormais un an que j’ai créé cette lettre d’actualité.
Une année d’In:Tarn c’est 11 éditions envoyées, qui m’ont permis de parler de plus 10 % des communes du département et plus de 1600 lectures.
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L’édition de ce mois-ci est entièrement consacrée à la liaison autoroutière Castres-Toulouse. J’ai tenté de vous proposer une synthèse à grands traits du projets et de ses principaux éléments ainsi que des positions des partisans et des opposants.
Je vous souhaite une bonne lecture de ce douzième numéro,
Nathanaël
Au sommaire
En bref
Dossier : A 69 : deux voies qui s’opposent
À suivre
En bref
🎦 Sans détour. En séance publique (vidéo), Karen ERODI, députée France insoumise (FI) de la 2e circonscription, demande au ministre des Transports la publication du contrat de concession pour l’A 69.
🛡 Bouclier tarifaire. À l’Assemblée nationale, Karen ERODI interroge le Gouvernement sur les dispositifs prévus pour anticiper la hausse des prix de l’énergie pour l’hiver 2023-2024, notamment concernant les boulangers.
🪫 Énergies encore. Au Sénat, c’est Philippe FOLLIOT, membre du groupe Union centriste (UC) qui constate que des piscines municipales ferment à cause du prix de l’énergie, restreignant l’apprentissage de la nage. Relire le dossier d’In:Tarn sur l’énergie.
📍 Déplacement ministériel. La maison Astrolabe est un habitat partagé pour personnes isolées qui se situe à Cahuzac-sur-Vère. Cette maison a été inaugurée par Agnès FIRMIN-LE BODO, ministre déléguée chargée de l’Organisation territoriale et des Professions de santé.
🏎 Tourne en rond. Le bras de fer n’en finit pas au Circuit d’Albi où ont défilé près de 2 000 personnes afin d’exprimer leur soutien aux courses automobiles. En effet, le conseil municipal du Séquestre avait adopté un arrêté restreignant le nombre de jours de course qui aurait pu conduire à l’annulation d’une course historique en mai. Le Préfet a indiqué que cet arrêté ne s’appliquait plus depuis la reprise en gestion du Circuit d’Albi par la mairie d’Albi.
🚶♂️ Piétonnisation. Moins de voitures et plus de mobilités douces : ce n’est pas de Paris mais bien de Lavaur, commune dirigée par Bernard CARAYON (Les Républicains), dont parle La Dépêche.
💧 Eaux. Les Échos consacre un article à la société Mont-Roucous, qui commercialise de l’eau de source puisée près de Lacaune-les-Bains.
🔝 Promotion. Vincent GAREL, maire d’Aiguefonde et conseiller régional d’Occitanie, est nommé numéro deux du Parti radical de gauche (PRG). Dans une interview pour La Dépêche du midi, il rappelle que son parti accompagne les démarches de deux présidentiables : Bernard CAZENEUVE et Carole DELGA.
🆕 Nomination. Le directeur de cabinet du maire de Graulhet a quitté ses fonctions pour devenir délégué général de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) du Tarn.
➡️ Et aussi… Le sénateur UC Philippe BONNECARRERE s’intéresse aux radars détruits et endommagés / France Nature Environnement fait condamner une société de Graulhet pour pollution du Dadou et EDF pour pollution de l’Agout / Le domicile du maire et la mairie de Montans tagués après qu’une usine d’enrobée est autorisée à s’installer / Graulhet recevra enfin la Route d’Occitanie après l’annulation sur arrêté préfectoral de l’étape de l’an passé pour cause de canicule
A 69 : deux voies qui s’opposent
C’est en 1994 que démarre l’épopée de l’A 69, cette autoroute qui doit permettre de relier Castres, la sous-préfecture du Tarn, à Toulouse, la capitale régionale. 30 ans plus tard, l’infrastructure n’existe toujours pas mais nous n’avons jamais été aussi proches de sa construction.
Ces cinq dernières années, le calendrier s’est accéléré avec la déclaration d’utilité publique en 2018, la signature d’un contrat avec un constructeur en 2022 et les phases d’enquêtes environnementales et publiques de fin 2022 à début 2023.
Une liaison autoroutière pour désenclaver et relancer économiquement le bassin Castres-Mazamet
Le projet d’autoroute Castres-Toulouse traversera 17 communes tarnaises ainsi que 7 haut-garonnaises. Plus précisément, le projet se divise en deux blocs. L’A 69 reliera Castres à la commune de Verfeil, là où l’A 680 prendra le relai pour faire la liaison avec l’A 68 à Gragnague (31). Au total, la liaison Castres-Toulouse concernera donc 62 kilomètres ; 9 kilomètres d’A 680 et 53 kilomètres d’A 69. 6 diffuseurs -des sorties d’autoroutes- doivent être construits le long de ce tracé qui devrait être inauguré fin 2025.
L’agglomération Castres-Mazamet est doublement enclavée. Vis-à-vis de la capitale d’abord, c’est d’ailleurs pour cette raison que la liaison aérienne Castres-Paris reçoit un soutien public (relire le dossier sur l’aéroport), et vis-à-vis de la capitale régionale ensuite.
Le trajet Castres-Toulouse s’effectue aujourd’hui via la route nationale 126 et prend, en moyenne, 1 heure et 20 minutes. La liaison autoroutière permettrait de faire descendre ce temps de trajet à 55 minutes. Le gain de 25 minutes par trajet permettrait, selon les partisans du projet, le désenclavement de tout le bassin Castres-Mazamet. Ils espèrent par ailleurs que ce désenclavement aurait un effet positif sur le développement économique de la vallée et de la sous-préfecture tarnaise. Castres est une des villes moyennes les plus fragiles de la région Occitanie selon l’Agence nationale de la cohésion des territoires.
La baisse de la mortalité sur la route est aussi évoquée comme argument mais c’est bel et bien l’argument de la croissance économique qui reste la première motivation des partisans de la liaison autoroutière et que l’on retrouve au fil des communiqués de presse de la Préfecture de région, des chefs d’entreprises tarnais ou plus récemment des maires du Tarn.
Un projet ancien qui se transforme désormais en chantier malgré la contestation
Depuis le début de l’année 2023, l’A 69 se retrouve au centre de l’actualité tarnaise et parfois nationale. La raison ? Les chantiers démarrent, notamment la coupe d’arbres ainsi que l’installation de la la base vie des salariés. Les coupes d’arbres ont été dénoncées par l’association France Nature Environnement Midi-Pyrénées qui a saisi la justice.
La mobilisation contre le projet a atteint son point culminant le 22 avril avec une manifestation organisée sur le tracé de la future autoroute par La voie est libre, la Confédération paysanne, Extinction rébellion et Les soulèvements de la Terre. Une mobilisation redoutée par les pouvoirs publics (voir le En bref d’In:Tarn n°11).
Face à cette mobilisation, le ministre des Transports, Clément BEAUNE a hésité, annonçant dans un premier temps la revue de tous les projets autoroutiers menés en France et même l’abandon de certains d’entre eux. Devant cette déclaration, les élus de tous bords et les chefs d’entreprises tarnais, emmenés par le président socialiste du Conseil départemental Christophe RAMOND, ont fait bloc pour rappeler leur “soutien indéfectible” à l’autoroute.
A l’Assemblée, le député de la 3e circonscription Jean TERLIER, issu, comme le ministre, du parti Renaissance, lui a posé une question sur l’A 69 en séance publique (vidéo). Dans sa réponse, Clément BEAUNE a rétropédalé, concédant que le projet d’A 69 était déjà engagé et qu’il convenait désormais de renforcer les engagements écologiques.
Un impact environnemental à la construction et à l’utilisation
La construction de l’A 69 aura un impact important sur la consommation de terres et plus généralement sur l’environnement. Selon l’étude d’impact réalisée par les chambres d’agriculture du Tarn et de la Haute-garonne en 2017, l’emprise définitive de l’A 69 effacerait 316 hectares de surfaces agricoles. À ce jour, le concessionnaire de l’A 69 communique sur des optimisations qui font descendre l’emprise totale à 300 hectares de terres au lieu des 420 hectares initiaux.
En plus de la suppression de plusieurs zones humides, de la coupure d’une zone Natura 2000, la construction de l’A 69 devrait générer l’émission de 254 000 tonnes d’équivalent de CO2 (page 15 du rapport d’enquête). Ensuite, l’entretien de l’infrastructure et la vitesse accrue des véhicules devraient relâcher 20 200 tonnes d’équivalent de CO2 chaque année.
Le coût de la construction principalement avancé par le privé…
Le concessionnaire retenu par l’Etat pour construire l’A 69 est Atosca. Le contrat prévoit une concession de 55 années, soit jusqu’en 2080. De son côté, l’A 680 sera exploitée par ASF qui se charge déjà de l’A 68 et dont le contrat court jusqu’à 2036.
Le coût total de la liaison Castres-Toulouse est évalué à 530 millions d’€. L’Etat et les collectivités territoriales participeront de deux manières à la construction de l’A 69 : en versant une subvention d’équilibre d’une part, en cédant les contournements de Soual et Puylaurens réalisés à la fin des années 2000, dont la valeur est estimée à 75 millions d’€, d’autre part.
Bien que subventionné à hauteur de 23 millions d’€, le concessionnaire Atosca doit boucler un budget estimé à 450 millions d’€ pour la seule construction de l’A 69 entre Verfeil et Castres. Le concessionnaire apportera 33 % de ce montant en propre, grâce à ses actionnaires qui sont :
à 60 % des fonds d’investissements (TIIC, Edmond de Rothschild Private Equity Partnership & Quaero Capital),
25 % NGE Concessions, filiale du groupe indépendant de BTP français NGE,
15 % par Ascendi, société portugaise spécialisée dans les autoroutes.
Enfin, 61 % du financement total du projet sera apporté par des financeurs comme AXA, la Banque postale ou encore des banques du Sud-ouest de la France (différentes caisses des Caisses d’Epargne ou du Crédit Agricole).
…Qui reposera néanmoins sur les utilisateurs
En contrepartie du financement de la construction de l’infrastructure, Atosca sera autorisé à faire payer les usagers. En 2025, à l’inauguration de l’A 69, le coût d’un trajet Verfeil-Castres devrait approcher les 6,8 € TTC, coût auquel il faudra encore ajouter le péage de l’A 68 si l’usager souhaite se rendre à Toulouse (+ 1,70 €).
Un aller-retour Castres-Toulouse devrait finalement coûter autour de 17 €, tarif dont l’utilisateur devra s’acquitter en ligne puisque l’A 69 ne sera pas équipée de barrières de péage. L’A 69 avec 4 portiques, inaugurera la technologie de péage en flux libre dans le Tarn.
Le tarif de l’A 69 ne devrait pas baisser dans le temps, c’est même plutôt l’inverse. Dans son rapport, l’Autorité de régulation des transports (ART) pointe qu’en raison de la méthode de calcul retenue par Atosca : “les tarifs pratiqués sur l’autoroute A69 devraient croître plus vite que l’inflation”.
Le régulateur observe aussi que les hypothèses d’Atosca en matière de fréquentation sont “optimistes”. Dans son scénario, l’ART minore de 5 % le nombre de 8 000 véhicules qui emprunteront chaque jour l’autoroute dès son ouverture en 2025.
Note : En 2017, l’INSEE estimait que 1500 personnes faisaient chaque jour la navette entre Castres et Toulouse pour leur travail (Insee Dossier Occitanie n° 3). Entre 2017 et 2019, la DREAL effectue une comptabilisation du nombre moyen de véhicules qui empruntent chaque jour la RN 126. On constate ainsi que le trajet Castres-Toulouse représente au maximum 5 640 véhicules par jour en moyenne.
Les opposants pointent un projet “coûteux et anachronique”
Les critiques formulées par l’Autorité de régulation des transports sont modérées. Plus que les critiques avancées par les opposants au projet d’autoroute qui préféreraient l’abandon de l’A 69 ou l’aménagement de l’ancienne RN 126. Les critiques de l’ART s’ajoutent cependant à une longue liste de limites pointées au fil des enquêtes publiques ou rapport d’autorités.
L’un des éléments les plus marquants se trouve à la page 15 du rapport de la commission d’enquête. Ce rapport pointe l’absence d’étude d’impact démontrant le bénéfice de l’autoroute pour le développement économique du bassin Castres-Mazamet.
“Le dossier indique que le principal avantage du projet réside dans l’impact économique favorable qu’il aura sur le bassin de vie CASTRES/MAZAMET grâce au désenclavement du territoire qu’il permettra. Hormis quelques affirmations sur l’effet positif qu’ont eues des infrastructures similaires ailleurs en France, aucune démonstration concrète n’est présentée ni aucun chiffrage évalué.”
Plus loin, le rapport reprend les conclusions de l’Autorité environnementale.
“Ce projet routier, initié il y a plusieurs décennies, apparaît anachronique au regard des enjeux et ambitions actuels de sobriété, de réduction des émissions de gaz à effet de serre, et de la pollution de l’air, d’arrêt de l’érosion de la biodiversité et de l’artificialisation du territoire et d’évolution des pratiques de mobilité et leurs liens avec l’aménagement des territoires.”
L’A 69 : symbole d’un clivage politique toujours plus fort
Emerge de la dispute entre les pro et les anti-autoroutes une fracture profonde entre deux conceptions tout à fait différentes de notre société et des objectifs qu’elle devrait suivre.
D’un côté, certains pro-autoroutes voient l’infrastructure comme un moyen garanti d’atteindre la croissance économique, érigée en objectif ultime. Ils omettent que la richesse française est de plus en produite grâce aux activités immatérielles et que les contraintes physiques de la planète nous limitent.
De l’autre, certains anti-autoroutes s’opposent à la moindre modification de l’environnement qu’ils considèrent comme quasi-sacré. En qualifiant le projet d’anachronique, ils oublient que près de 80 % des ménages possèdent au moins une voiture, qui reste, pour quelques temps encore, le principal moyen de déplacement. Ils font aussi abstraction du taux de chômage de Castres, qui était de 17,2 % en 2019, selon l’INSEE.
Ainsi, si le projet d’A 69 n’est pas forcément anachronique, il n’est certainement pas visionnaire. Avec les 450 millions d’€ qui vont être mobilisés, l’Etat aurait aussi pu investir dans des solutions de transports collectifs et bas-carbone comme le train, ou développer un plan pluriannuel pour soutenir et développer l’activité économique dans le sud du département.
Enfin, et surtout, les trente années de feuilleton autour de la construction de cette autoroute, sans que jamais les sud-tarnais ne puissent directement s’exprimer par leur vote sur le projet, laissent l’amère impression d’une démocratie représentative à bout de souffle.
À suivre
17 mai : journée internationale de lutte contre l’homophobie
26 au 28 mai : manche du Championnat de France Historique des Circuits, au circuit d’Albi
28 et 29 mai : 41e édition de Biocybèle, à Graulhet
1er juin : l’association des maires du Tarn organise les Rencontres de la ruralité, à Graulhet
1er juin : début de la phase d’admission sur Parcoursup
8 juin : date limite de déclaration des revenus (en ligne) pour les contribuables tarnais
8 juin : à l’Assemblée, le groupe LIOT propose sa loi d’abrogation de la réforme des retraites
9 juin : plus qu’une année avant les élections européennes (du 6 au 9 juin 2024)
12 juin : à l’Assemblée, examen de la proposition de loi relative à la santé et aux territoires
Mi-juin : In:Tarn n°13